[Communiqué CNRS - Rio] Les campagnes de terrain de l’IRP VELITROP reprennent

[Communiqué CNRS - Rio] Les campagnes de terrain de l’IRP VELITROP reprennent

Les campagnes de terrain de l’IRP VELITROP reprennent

Actualité du CNRS, Bureau de Rio de Janeiro, Brésil. Par Gwenael Abril, directeur de recherche CNRS au laboratoire BOREA.

Au Brésil, comme dans la plupart des pays tropicaux, les populations se concentrent sur le littoral dans des mégacités dont les eaux usées domestiques sont rejetées en mer le plus souvent lors d’évènements orageux intenses et sans traitement préalable. Il en résulte un enrichissement des écosystèmes côtiers en matière organique et en nutriments (azote et phosphore) qui s’accumulent dans les eaux et les sédiments et modifient à des échelles des temps décennales à centennales leur fonctionnement écologique. C’est le phénomène d’eutrophisation, particulièrement intense sous climat tropical. La qualité de l’eau et les équilibres biogéochimiques sont modifiés, ainsi que les communautés biologiques dont le développement dépend de cette qualité et/ou qui interviennent dans ces équilibres : algues, bactéries, et premiers maillons des chaines trophiques tels que les bivalves filtreurs ou le zooplancton, jusqu’aux poissons. Les services écosystémiques du milieu littoral pour les sociétés locales sont altérés, ainsi que la contribution de ces écosystèmes aux émissions de gaz à effet de serre.

L’IRP VELITROP est dédié à l’étude, par des approches interdisciplinaires, des mécanismes biologiques et géochimiques associés à l’eutrophisation de l’océan en région tropicale. Le littoral de l’Etat de Rio de Janeiro est utilisé comme zone atelier privilégiée de par sa géomorphologie, son hydrographie et sa pression démographique communément rencontrées en régions tropicales (Amérique latine, Afrique et Asie). Comme l’indiquent les concentrations en chlorophylle obtenues par imagerie satellitaire les baies de Guanabara (surface de 380 km2) et de Sepetiba (440 km2) directement connectées à l’agglomération urbaine de Rio de Janeiro, sont les plus riches en phytoplancton tandis que la baie de Ilha Grande (880 km2), moins peuplée, plus profonde et ouverte sur l’océan, reste dans un état proche de ce qui devait prédominer il y a plus d’un siècle dans toute la région bien avant l’explosion démographique.

Les chercheurs du laboratoire de Biologie des Organismes et des écosystèmes aquatiques BOREA (CNRS, Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris), du Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (CNRS, Université de Lille, Université du Littoral, IRD, Wimereux), du Laboratoire de planétologie et Géosiences (CNRS, Université d’Angers), de la Faculté d’Océanographie de l’Université de l’État de Rio de Janeiro (UERJ), et des programmes de géochimie et de biologie marine de l’Université Fédérale Fluminense (UFF) ont uni leurs forces pour travailler sur un large panel de processus liés à l’eutrophisation des écosystèmes littoraux tropicaux sous influence urbaine : les flux de nutriments, de matières organiques et de carbone le long du continuum continent-océan (estuaires, baies et lagunes, plateau continental) ; les réponses en cascade des communautés de phytoplancton et de zooplancton à la fertilisation des écosystèmes interconnectés : changements de productivité et de biodiversité planctonique, apparition de marées vertes et rouges ; les modifications des ressources alimentaires pour les mollusques bivalves filtreurs utilisés comme biocapteurs de l’eutrophisation ; Les modifications des émissions et des captages de gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O) par les eaux littorales et les zones humides telles que les mangroves, qui renferment de grandes quantités de carbone « bleu » dans leurs sols.

Pour ces recherches, il est primordial d’acquérir des données sur le terrain, ce qui n’a pas été possible pendant près de deux ans du fait de la pandémie, obligeant de nombreux étudiants à réorienter leurs travaux académiques vers des études bibliographiques, ou lorsque cela était possible vers des analyses d’images satellite ou de la modélisation hydrodynamique sans validation de terrain. C’est pourquoi à la fin d’année 2021, dès que les conditions sanitaires l’ont permis, l’IRP VELITROP, conjointement avec un projet FAPERJ porté par l’UFF et un projet ANR-FAPESP porté le CNRS et l’Institut National de Recherche Spatiale brésilien (INPE), a organisé une campagne de mesures et de collectes d’échantillons dans les baies de Ilha Grande et de Sepetiba, où les connaissances scientifiques restent bien plus fragmentaires que dans la très emblématique baie de Guanabara, mais le long desquelles on observe un gradient très net d’eutrophisation sur un transect de 100km, allant de conditions oligotrophes à l’ouest à des conditions très eutrophes à l’est (illustration #1). Quinze chercheurs et étudiants appartenant au CNRS, à la faculté d’Océanographie de l’UERJ, au département de géochimie de l’UFF, au département de Zoologie de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) et à l’INPE, ont participé à ces missions à partir d’une base localisée à Angra dos Reis (Illustration #2) et d’un bateau de 22m habituellement dédié à la plongée sous-marine. 125 heures de mesures in situ et 75 stations ponctuelles ont été réalisées à trois périodes de l’année en novembre 2021, Avril 2022 et Septembre 2022, de manière à couvrir diverses conditions météorologiques, hydrographiques et environnementales. Ces 100 km de littoral étaient échantillonnés en trois jours tandis qu’une équipe à terre filtrait et conditionnait les échantillons d’eaux de surface et de fond, sur lesquels une trentaine de paramètres chimiques et biologiques seront analysés dans les différents laboratoires au Brésil et en France... Voir la suite du Communiqué.

Contacts :

  • Gwenaël Abril, chercheur CNRS, Laboratoire de Biologie des Organismes et des Écosystèmes Aquatiques, UMR BOREA, UMR 8067, Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris, gwenael.abril@mnhn.fr
  • Vincent Vantrepotte, chercheur CNRS, Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences, UMR 8187, Université de Lille, Université du Littoral Côte d’Opale, Wimereux, vincent.vantrepotte@univ-littoral.fr
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Gwenaël ABRIL
MNHN Paris
Research director
SOMAQUA
The French National Centre for Scientific Research (CNRS)
Published on 07 Oct 2022
Updated on 17 Oct 2022