Sujet de thèse à concours ED 227 | Impacts des changements climatiques passés et futurs sur l’écologie, la physiologie et la biogéographie du Fulmar boréal Fulmarus glacialis

Sujet de thèse à concours ED 227 | Impacts des changements climatiques passés et futurs sur l’écologie, la physiologie et la biogéographie du Fulmar boréal Fulmarus glacialis

Sujet de  thèse  Ecosystèmes aquatiques (polaires) - Ecologie trophique - Modélisation statistique - 2020-2023

Concours ED 227



Titre : Impacts des changements climatiques passés et futurs sur l’écologie, la physiologie et la biogéographie du Fulmar boréal Fulmarus glacialis

Date limite de candidature : 19 juin 2020 à 13h (délai de rigueur)

Dates des auditions si candidature retenue :  1, 2 et 3 juillet 2020

Poste à pourvoir pour la rentrée universitaire pour une durée de 3 ans.

Financement : Allocation ministérielle (concours de l'ED 227 – MNHN-SU)

Laboratoire d'accueil : BOREA (Biologie des Organismes et des Ecosystèmes Associés), MNHN, Paris (https://borea.mnhn.fr/)

Encadrement : directeur : Tarik Meziane, professeur MNHN Paris HDR, équipe SOMAQUA/BOREA, tarik.meziane@mnhn.fr, co-direction HDR : Eric Goberville, maître de conférences SU, Paris, équipe SOMAQUA/BOREA, eric.goberville@upmc.fr et Dr. Jóhannis Danielsen (Faroe Marine Research Institute ; FAMRI) : Responsable du Département «Ecologie des oiseaux marins», spécialiste en écologie du Fulmar boréal johannisd@hav.fo

Descriptif du sujet de thèse et méthodes envisagées

Selon le dernier rapport de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), les populations européennes de fulmar boréal Fulmarus glacialis se sont effondrées de plus de 40% depuis le milieu des années 1980. Différentes hypothèses sont liées à ce déclin : (i) une contraction de leur distribution biogéographique en réponse directe aux changements climatiques, e.g. un réchauffement des températures de surface qui pourraient avoir induit une diminution des abondances en limite sud de leur aire de reproduction, (ii) un phénomène de cascade trophique - reflet d’un ajustement des systèmes biologiques aux changements climatiques - causé par une diminution de l'abondance de leurs proies naturelles (e.g. le lançon Ammodytes marinus), elles-mêmes impactées par une modification de la structure des communautés zooplanctoniques en Atlantique Nord, et (iii) des perturbations d'origine anthropique, telles que la pollution plastique, une réduction des rejets de pêche ou une capture directe des individus à des fins de consommation. Les mécanismes écologiques et biologiques à l'origine de cet effondrement global des populations de fulmar boréal restent cependant très peu documentés et les conséquences à l’échelle paneuropéenne, en termes d’équilibre et de fonctionnement des écosystèmes, totalement inconnues.

Bien que de nombreuses incertitudes subsistent quant aux devenirs des populations de fulmar boréal - en partie en raison de la longévité de l’espèce - un déclin compris entre 50 et 79 % de leurs abondances est attendu pour la période 1985-2077. Selon la dernière génération de modèles et de scénarios climatiques (projections du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ou GIEC), les conditions environnementales pourraient être encore plus fortement modifiées au cours des prochaines décennies, avec par exemple, une augmentation des températures de surface de l’eau comprise entre +1,7 et 3,2°C en mer du Nord (contre ~1°C depuis 1950). De tels changements, en agissant sur la physiologie, la phénologie et la distribution spatiale des espèces, amplifieraient les altérations - déjà perceptibles - de la trophodynamique des écosystèmes marins en Europe.

Prévoir les conséquences des changements climatiques sur le fulmar boréal est donc une question importante - mais complexe - pour assurer la durabilité d’une espèce charismatique au rôle écologique avéré. Le fulmar boréal est un "objet d'étude" pertinent dans le contexte des changements climatiques. En effet, il est considéré comme une espèce indicatrice des modifications observées à l’échelle d’un écosystème. Une étude, menée sur plus de 50 ans d’observation du fulmar boréal en Écosse, a notamment permis de caractériser des liens significatifs entre la variabilité annuelle des performances de reproduction, les variations locales du taux de recrutement, les conditions hydro-climatologiques à grande échelle (l'oscillation hivernale de nord atlantique), et un réchauffement des températures en Atlantique Nord ; forçages d’origine climatique ayant également impactés très fortement la taille des colonies de fulmar boréal.

Le fulmar boréal - espèce ayant une large aire de prospection de nourriture, en mer, pendant tout son cycle de vie - a été défini par la Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (OSPAR) comme une espèce sentinelle idéale pour la surveillance de la pollution environnementale : pour atteindre l'objectif de qualité écologique (EcoQO), moins de 10% des espèces doivent avoir plus de 0,1 g de particules plastiques dans l'estomac ; ce pourcentage n'existe actuellement que dans les populations arctiques et varie entre 45% et 60% pour les populations de la mer du Nord ; confirmant par la même occasion la forte pollution d’origine anthropique qui subit cet écosystème. Enfin, cette espèce revêt une importance sociétale forte dans certaines traditions européennes, notamment aux îles Féroé. En effet, l’espèce est chassée à des fins de consommation (récolte annuelle entre 50 000 et 250 000 oiseaux), tradition ancestrale qui contribue à renforcer la cohésion sociale dans les petits villages de cet archipel.

Cette thèse a pour but de lever les verrous scientifiques du manque actuel de connaissances sur (i) l’écologie (et plus particulièrement trophique), la physiologie et la dynamique biogéographique du fulmar boréal, (ii) les causes, forçages et mécanismes à l’origine du déclin actuel des populations, et (iii) le devenir de cette espèce dans le contexte des changements climatiques. Dans ce contexte, nous proposons : 1. De caractériser le régime alimentaire et les schémas de réponse physiologique du fulmar boréal. A ce titre, nous développerons une méthodologie combinant analyses des acides gras, des isotopes stables (δ13C, δ15N) et de l’ADN, comme indicateurs des relations interspécifiques qui gouvernent l’écologie trophique du fulmar boréal. Cette étape expérimentale se basera sur l’analyse d’échantillons disponibles et à acquérir. Le protocole d’échantillonnage s’appuiera l’étude d’un gradient latitudinal de 3500 km, comprenant 4 sites, depuis la Bretagne jusqu’au Svalbard. 2. D’élaborer des scénarios écologiques de changement des populations à l'échelle paneuropéenne, en combinant l’utilisation d’analyses diachroniques des populations de fulmar boréal (à partir de données acquises à large spatiale depuis plus de 4 décennies), d’outils de modélisation statistique et trophique et des scénarios climatiques produits par le GIEC. L'un de nos principaux objectifs est ainsi de mieux évaluer les causes du déclin des populations, observé depuis les dernières décennies et d’anticiper les conséquences probables des changements climatiques pour, in fine, contribuer à la conservation d'une espèce ayant une valeur écologique, symbolique et culturelle forte.

Stratégie de publication

Au regard des résultats attendus et de l’expertise des encadrants, la thèse devrait permettre la soumission d’au moins 4 publications dans des revues de rang A, et portant sur :

1. Etude diachronique de la dynamique des populations de Fulmar boréal à l’échelle paneuropéenne : identification des facteurs à l’origine du déclin observé (1980-2020)

2. Modélisation statistique de l’habitat préférentiel Fulmar boréal à l’échelle paneuropéenne et conséquences des changements climatiques attendus : impacts biogéographiques

3. Caractérisation des préférences alimentaires du Fulmar boréal et des conditions physiologiques des individus : comparaison sur un gradient latitudinal, de la Bretagne aux Svalbard

4. Modélisation trophique des conséquences des changements climatiques sur l’équilibre et la dynamique des populations de Fulmar boréal : impacts écologiques, physiologiques et biogéographiques ; proposition de scénarios écologiques de conservation

Faisabilité en trois ans avec échéancier

Le calendrier et les étapes importantes de la thèse ont été clairement identifiés. La rédaction d’articles et du manuscrit final se fera en continu durant la thèse.

Préliminaire (encadrants) : Identification/accessibilité des sites d’étude ; mise en place du protocole d’échantillonnage et récupération des données existantes

1ère année : Formation de l’étudiant.e au protocole d’échantillonnage/expérimentations. Prélèvements terrain (2 saisons, 4 sites). Caractérisation des préférences alimentaires/conditions physiologiques depuis les échantillons disponibles (îles Féroé) et nouvellement acquis.

2ème année : Prélèvements terrain (2 saisons, 4 sites). Analyses des échantillons acquis. Traitement des résultats expérimentaux. Formation au modèle trophique

3ème année : Traitement des résultats expérimentaux. Modélisation/scénarisation statistique et trophique basée sur les observations, l’environnement (contemporain et futur) et les résultats expérimentaux

Profil du candidat recherché

Le candidat ou la candidate sera recruté.e sur la base d’un profil pluridisciplinaire avec des connaissances sur les écosystèmes aquatiques et, si possible, polaires, ainsi que des compétences en écologie trophique et modélisation statistique. Le candidat ou la candidate devra être titulaire d’un master en biologie-écologie et posséder une expérience en analyses des acides gras et isotopie en laboratoire. Des connaissances ‘a priori’ en échantillonnage et en identification des oiseaux seront appréciés. Le candidat ou la candidate doit posséder de bonnes aptitudes en gestion de données, en analyses spatiales et en rédaction scientifique, en plus d’avoir une bonne capacité à collaborer avec les membres de l’équipe et les partenaires. A terme, le/ la thésard.e obtiendra des compétences renforcées en écologie trophique, modélisation numérique avec une spécialisation sur la dynamique et le fonctionnement des milieux polaires en lien avec les changements climatiques.

 

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Tarik MEZIANE
MNHN Paris
Professor
SOMAQUA
The French National Museum of Natural History (MNHN)
Published on 08 Jun 2020
Updated on 20 Jun 2020