[Les Séminaires de l'ISYEB] Mystérieuses anguilles : une famille résiliente face au changement global par Eric Feunteun

[Les Séminaires de l'ISYEB] Mystérieuses anguilles : une famille résiliente face au changement global par Eric Feunteun

Séminaire reporté



Les Séminaires de l'ISYEB accueillent Eric Feunteun, professeur  MNHN à BOREA, directeur du CRESCO à Dinard, le mardi 3 novembre 2020, en visioconférence : 

« Mystérieuses anguilles : une famille résiliente face au changement global »

 
Résumé :  La famille des anguillidés est composée de 19 espèces et sous espèces appartenant toutes au genre Anguilla, distribuées sur une vaste partie de la planète. Les zones de pontes et leurs larves singulières, les leptocéphales, sont distribuées dans tous les océans sauf l’Arctique. Leur phase de croissance, les anguilles jaunes, sont présentes dans une très grande diversité d’habitats continentaux, des milieux marins côtiers aux habitats estuariens et aux habitats dulçaquicoles allant jusqu’à 1500 m d’altitude, à condition que le continuum fluvial ne soit pas interrompu et que la qualité de l’eau soit préservée. Selon l’espèce, les habitats de croissance sont distribués dans tous les continents des deux hémisphères, sauf l’Antarctique.

Le genre Anguille, qui est apparu il y a 60 à 70 MA, a survécu à la 5ème extinction, la dérive des continents, les changements de régimes océaniques et de nombreux changements environnementaux dont les successions de périodes glacières. Alors que la famille des anguillidés s’est très peu diversifiée durant cette période, de considérables forces évolutives ont présidé à une diversification biologique remarquable transmise à notre biosphère jusqu’à présent.

Au cours des dernières décennies, toutes les espèces d’anguilles ont été annexées à la liste rouge des espèces menacées par l’UICN, soit parce qu’elles sont menacées plus ou moins sévèrement, soit pour insuffisance de données. Quelles sont les raisons du paradoxe entre l’extraordinaire résilience évolutive des anguillidés ? Pourquoi et comment ont-elles décliné aussi rapidement depuis la fin du 20ème siècle ?  

Parce que ces espèces sont économiquement et culturellement importantes dans toute leur aire de distribution, ces questions ont généré un effort de recherche mondial considérable et ont créé des débats et des controverses fortes entre les gestionnaires, les usagers et les politiques publiques pour développer des stratégies de gestion et de conservation pertinentes. Malgré ces efforts exceptionnels, le cycle biologiques des anguilles reste mal compris essentiellement pour les phases marines : la plupart des zones de ponte ne sont toujours pas localisées précisément, les migrations marines des larves et des adultes reproducteurs demeurent mystérieuses. La conservation et la restauration des populations sont toujours l’objet de controverses virulentes et souvent fondées sur des postures idéologiques plutôt que sur une réelle analyse scientifique.  La recherche a clairement montré que les raisons du déclin sont multiples et synergiques. Elles incluent la dégradation et la destruction des habitats de croissance (physiquement et chimiquement), la rupture du continuum océan-fleuve, la contamination par les polluants organiques, les changements de régimes océanographiques générés par le changement climatique. Alors que la recherche a clairement et indiscutablement montré la pluralité des causes du déclin, la gestion initiée depuis le début du 21ème s’est focalisée principalement sur la régulation de la pêche et du commerce international (CITES), tout en ignorant l’importance de la destruction massive des habitats de croissance, la disruption du continuum fluvial, la dégradation de la qualité de l’eau et les contaminations par les polluants organiques et métalliques.

Dans cette présentation, nous proposons une synthèse des connaissances les plus récentes sur le cycle biologique, l’effet des barrages et l’effet des pollutions sur la modification des traits biologiques et de la fertilité des anguilles. Nous proposons une analyse critique des plans de gestion mis en place depuis plus de 10 ans et enfin nous proposons des principes et concepts de gestion qui devraient être mis en œuvre pour restaurer voire assurer la sauvegarde des anguillidés.

Portrait de Eric FEUNTEUN
Eric FEUNTEUN
MNHN CRESCO Dinard
Professeur
BIOPAC
Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN)
Publié le 30 oct 2020
Mis à jour le 30 oct 2020