Soutenance de thèse de Oumayma Chkili : Étude de l’état de santé des écosystèmes côtiers sud méditerranéens anthropisés à partir du fonctionnement du réseau trophique planctonique..., mercredi 12 juillet 2023

Soutenance de thèse de Oumayma Chkili : Étude de l’état de santé des écosystèmes côtiers sud méditerranéens anthropisés à partir du fonctionnement du réseau trophique planctonique..., mercredi 12 juillet 2023

Oumayma Chkili  a soutenu sa thèse de doctorat :

Étude de l’état de santé des écosystèmes côtiers sud méditerranéens anthropisés à partir du fonctionnement du réseau trophique planctonique : modélisation des indicateurs écologiques en situation de contamination chronique ou pulsée
Mercredi 12 juillet 2023, à 10h

Lieu : Faculté des Sciences de Bizerte (Université de Carthage) 

Devant le jury :



Résumé :

Les écosystèmes côtiers méditerranéens sont considérés parmi les zones les plus perturbées vu qu’elles sont soumises à une importance pression anthropique, qui a conduit à leur eutrophisation et leur contamination par divers types de polluants chimiques. Ces perturbations ont des conséquences sur le fonctionnement de ces écosystèmes, leur état écologique et ultimement sur leurs capacités d’exportation de carbone et de productivité. C’est dans ce contexte que ce travail a été mené visant à étudier l’état de santé des deux écosystèmes côtiers sud méditerranéens anthropisés en caractérisant les réseaux trophiques planctoniques (RTPs) et en appliquant des indicateurs écologiques. Cette étude a concerné le Golfe de Gabès qui est caractérisé par une forte hydrodynamique et une contamination chronique due principalement aux industries du complexe Gannouche-Gabès et le Canal de Bizerte qui a été soumis à une contamination pulsée causée par une fuite de pétrole.

Dans le Golfe de Gabès, la dynamique spatiale du RTP a été étudiée en automne 2017 lors de la campagne MERMEX-MERITE dans quatre stations situées à différentes distances de la principale source de contamination. Des échantillonnages et des incubations in situ ont été conduits à chaque station pour déterminer les conditions environnementales, et nutritives entre autres, les biomasses carbonées des composantes du réseau [carbone organique particulaire et dissous, bactérioplancton, picophytoplancton (< 2 µm), nanophytoplancton (2-10 µm), microphytoplancton (> 10 µm), protozooplancton et métazooplancton (> 200 µm)] et certains flux de carbone (production bactérienne et phytoplanctonique, consommation du protozooplancton et du métazooplancton et sédimentation des particules). Les flux estimés à partir des données de terrain ont été utilisés dans une analyse inverse de Monte Carlo en Chaîne de Markov (LIM-MCMC) pour calculer les flux manquants afin de construire des modèles du RTP de chaque station. Cette analyse inverse était suivie par une analyse des indicateurs écologiques (ENAs et ratios de typologie) afin de dégager les propriétés structurales et fonctionnelles des RTPs. Les résultats ont montré que la circulation hydrodynamique complexe dans le Golfe semble induire un gradient nord-sud et côte-large des concentrations nutritives conduisant à des variations spatiales dans la structuration en taille et la production du phytoplancton ainsi que dans les interactions trophiques. Par conséquent différentes voies trophiques ont été distinguées en fonction du stress nutritif. Le réseau microbien dominait à la station la moins riche en nutriments (la plus au nord) et se caractérisait par la production primaire et l’activité les plus faibles, mais par l’ascendance la plus élevée, reflétant une importante organisation et stabilité. Le système à la station la plus eutrophe (la plus au sud) fonctionnait comme un réseau herbivore et était le plus actif avec une forte production primaire et débit total de carbone, mais restait le moins organisé et le moins stable. Dans les deux autres stations, un réseau multivore s’est développé et était le plus organisé grâce à une importante détritivorie par rapport à l’herbivorie, un fort recycle et une ascendance élevée.

Dans le Canal de Bizerte, les effets d’une marée noire, survenue en octobre 2018, sur les communautés du phytoplancton et du protozooplancton ainsi que leurs interactions trophiques ont été évalués dès les premiers jours suivant le déversement du pétrole et après quelques semaines. L’évolution du RTP au cours des différents jours suivant le déversement a été aussi décrite. Des échantillonnages et des incubations in situ ont été conduits les 1ier, 4ème, 8ème et 18ème jours après la fuite du pétrole. On a noté la présence d’une nappe de pétrole du 1ier au 8ème jour avec une contamination des eaux par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs), principalement le chrysène. Le phytoplankton a montré des différentes réponses au fil du temps. À court terme (du 1ier au 8ème jour), la croissance et la biomasse du picophytoplancton ont augmenté, alors que celles du nano- et du microphytoplancton ont diminué, probablement en raison de la sensibilité des certaines grandes espèces aux HAPs. À plus long terme (18ème jour), la dispersion du pétrole et la réduction de son effet négatif se sont accompagnées par une prolifération des grandes cellules avec un changement dans leur composition taxinomique et une forte accumulation de la biomasse du picophytoplancton, causée par la diminution de leur broutage par le protozooplancton. En conséquence, la structure en taille du phytoplancton a évolué tout au long de l'exposition au pétrole, passant d'une prédominance du microphytoplancton après quelques jours à une dominance à long terme du picophytoplancton. La structure de la communauté du protozooplancton a également changé au fil des jours vers une dominance des dinoflagellés mixotrophes (principalement Heterocapsa) au détriment d'une diminution des dinoflagellés hétérotrophes (i.e. Gyrodinium and Protoperidinium). Les ciliés (principalement Strombidium) ont montré une diminution à court terme mais une récupération au 18ème jour, tandis que les nanoflagellés hétérotrophes étaient plus vulnérables à la toxicité du pétrole et ont disparu à partir du 8ème jour. Les taux de production des différentes fractions de taille du phytoplancton ainsi que leurs taux de consommation par le protozooplancton ont largement varié entre les différents jours. L'intégration de ces taux modifiés par la contamination pétrolière dans des modèles linéaires inverses de flux de carbone et le calcul des indicateurs écologiques ont montré un changement clair dans la structure et le fonctionnement du RTP, de la voie herbivore (au 1ier jour), au réseau multivore (4ème et 8ème jour) jusqu’un réseau microbien spécial (au 18ème jour), ce qui implique différentes efficacités dans l'exportation du carbone tout au long de l’évolution de la marée noire.

Cette étude met en évidence l’importance de coupler la typologie des RTPs et les indicateurs écologiques pour mieux décrire l’état écologique des écosystèmes soumis soit à une contamination permanente ou pulsée. Ces approches intégratives peuvent fournir des outils efficaces pour gérer et évaluer la santé des écosystèmes anthropisés.

Portrait de Oumayma CHKILI
Oumayma CHKILI
UCN Caen
Doctorante
ECOFUNC
Université Caen Normandie (UCN)
Publié le 06 juin 2023
Mis à jour le 31 juil 2023