Etude macroécologique de la distribution, diversité et vulnérabilité des poissons diadromes
La diadromie représente un cycle de vie qui implique obligatoirement des migrations entre la mer et l’eau douce. La diadromie s’est maintenue dans différentes lignées évolutives de poissons, mettant ainsi en évidence l’existence d’avantages adaptatifs comme la capacité à coloniser des milieux vierges ou de mieux exploiter la variabilité spatio-temporelle de l’environnement.
Une hypothèse pour expliquer l’origine et le maintien de la diadromie postule que les migrations entre mer et rivière ont pour but de placer les individus dans le milieu qui favorisera la croissance avant la première reproduction. Une croissance en mer et une reproduction en rivière (anadromie) serait favorisée si la productivité primaire en eau douce est inférieure à celle des milieux marins environnants tandis que la situation inverse (catadromie ; reproduction en mer, croissance en rivière) est attendue quand le différentiel de productivité est en faveur des eaux douces. Les résultats de notre étude réalisée à l’échelle du globe confirment cette hypothèse et montrent également que les poissons diadromes se trouvent majoritairement dans des rivières à faible richesse spécifique et/ou ouvertes à la colonisation après le retrait des glaciers au Quaternaire.
Leur capacité à coloniser de nouveaux milieux permet aux diadromes d’être très présents sur les îles océaniques. Si la biodiversité sur les îles océaniques a été largement étudiée, très peu d’études ont porté sur les poissons d’eau douce qui s’y trouvent. Notre étude des peuplements de poissons des îles polynésiennes confirme la généralité d’un modèle proposé pour les faunes terrestres prédisant une relation en dôme entre richesse spécifique et âge de l’île. Nos résultats montrent également que la richesse diminue avec la distance au centre de biodiversité le plus proche et augmente avec l’altitude maximale de l’île.
Malgré leur succès évolutif, les poissons diadromes se révèlent très vulnérables face aux activités humaines (surexploitation, pollution de l’eau, barrages…). De ce fait, de nombreuses espèces sont classées comme vulnérables par l’IUCN. Paradoxalement, notre étude sur les caractéristiques biologiques et écologiques des espèces qui se sont éteintes récemment à l’échelle du globe n’identifie pas la diadromie comme un facteur aggravant. Cette étude montre que le critère biologique principal menant à l’extinction est l’endémisme et une aire de distribution géographique restreinte. Bien que souvent en déclin, beaucoup d’espèces diadromes ont jusqu’ici échappé à l’extinction du fait de leur aire de distribution initiale de grande taille, résultat probable de leur grande capacité de dispersion. Un très bon exemple est l’esturgeon européen, Acipenser sturio, initialement largement distribué en Europe mais qui après un fort déclin à partir de 1850 ne se reproduit plus que dans le seul bassin de la Garonne. Pour mieux suivre le déclin de cette espèce au cours du temps, nous avons étudié sa distribution avant 1850 à l’aide de données archéozoologiques. L’analyse de ces données suggère une diminution des populations très ancienne, initiée il y a 2500 ans. A l’aide de températures passées reconstituées, nous avons montré que des températures élevées expliquent en partie l’occurrence d’esturgeons dans les sites archéologiques mais sans contribuer à expliquer son déclin. Ces résultats suggèrent un impact de l’homme précoce sur les populations d’esturgeons.
Cette thèse a permis de synthétiser les connaissances sur les poissons diadromes concernant leur distribution géographique à diverses échelles de temps et d’espace, et de contribuer à une meilleure compréhension de leur diversité et de leur vulnérabilité.
mots-clés : Macroécologie, Diadromie, Iles océaniques, Archéozoologie