Impact de l'évolution spatio-temporelle de la limite septentrionale de répartition sur des traits de vie chez la daurade royale Sparus aurata
La daurade royale (Sparus aurata) est une espèce de sparidé dont l’aire de répartition s’étend des côtes du Sénégal à l’Irlande, et est commune en mer Méditerranée. Elle est considérée comme rare en limite nord de répartition (Manche, mer d’Irlande et mer du Nord). Depuis une dizaine d’année, l’abondance d’individus pêchés en limite nord ne cesse d’augmenter. Ce phénomène peut être expliqué par l’évolution septentrionale de son aire de répartition, en lien avec le réchauffement climatique. Aucune donnée écologique sur les populations de cette espèce en limite nord de répartition, devenues une ressource de pêche en Manche, n’est actuellement publiée dans la littérature. Les traits de vie de S. aurata ont été étudiés face à la modification spatio-temporelle de son aire de répartition, via l’analyse du régime alimentaire, de la croissance et des déplacements côtiers. D’autre part, l’étude a conduit à l’analyse de la structure de ces populations septentrionales par une approche multi-marqueur couplant la génétique et la microchimie des otolithes.
L’analyse des contenus stomacaux des populations de S. aurata en limite nord de répartition confirme un régime opportuniste, avec une forte proportion d’espèces-proies du genre Mytilus. Malgré un régime alimentaire similaire, la croissance des individus est, quant à elle, plus faible que celle observée sur des individus de mer Méditerranée, ce phénomène étant conditionné par les paramètres du milieu (température, salinité). Les variations élémentaires des otolithes ont permis de caractériser les migrations côtières lors des premières années de vie des poissons avec un passage en mer en hiver et la fréquentation de zones côtières. Cela suggère la présence de zones de nourricerie le long du pourtour atlantique et de la Manche. Une variabilité inter-individuelle a été mise en évidence suggérant une plasticité comportementale des individus. Les approches de génétique, combinant l’emploi de marqueurs mitochondriaux et des microsatellites, et de microchimie des otolithes ont mis en évidence l’absence de structure au sein des populations en limite nord de répartition. Ce phénomène concorde avec la colonisation récente des populations. Cependant, une différenciation entre les individus échantillonnés le plus au sud et ceux en limite nord d’échantillonnage a été mise en évidence, suggérant peu de mélange génétique. Les allèles communs entre les individus échantillonnés évoquent une colonisation des individus de proche en proche depuis la mer Méditerranée. Des différences génétiques et de traits de vie ont été observées entre les individus échantillonnés en Manche, suggérant l’existence d’une barrière biogéographique au sein de cet environnement.
La présence de conditions environnementales favorables constitue un atout majeur pour cette espèce prédatrice qui semble présenter une capacité d’acclimatation importante. L’ensemble des approches abordées dans le cadre de ces travaux ont permis d’apporter les premières données sur les traits de vie et la structure des populations d’une espèce à fort intérêt commercial dans une zone d’expansion récente en lien avec des modifications globales des conditions environnementales.