Evolution des poissons cavernicoles dans la région karstique du Cerro Blanco

Spécimens de Trichomycterus collectés dans une même grotte de l’Alto-Mayo (Amazonas, Perú). L’individu M10 semble appartenir à une espèce différente. Les individus M1, M2 et M3 ont été collectés dans le même habitat. M. Pouilly
Période
2018
Equipe(s)
EMERGE
SOMAQUA
Type de financement
Intra-unité
Collaboration scientifique
Amérique du Sud
Contact(s)

Membres impliqués

Evolution des poissons cavernicoles dans la région karstique du Cerro Blanco

Description

L’expédition pluridisciplinaire Cerro Blanco 2017 organisée par l’IRD et ses partenaires fut l’occasion d’explorer la biodiversité méconnue des poissons des rivières et des karsts de l’Alto Mayo dans le Nord Pérou (bassin Amazonien). Ce travail a été réalisé par des chercheurs du Muséum d’Histoire Naturelle de Lima (Université Nationale Principale de San Marcos, UNMSM), de l’Institut de Recherche sur l’Amazonie Péruvienne (IIAP) et de l’IRD (UMR BOREA et LMI EDIA). Les explorations réalisées ont permis de découvrir une densité de colonisation des systèmes souterrains rarement décrit dans la littérature scientifique.

Les formations karstiques tropicales forment des isolats de plus ou moins grande taille, caractérisés par une dynamique tectonique complexe créant une grande diversité de milieux très originaux, propices au développement d’une riche biodiversité et d’un endémisme élevé. Un des objectifs de l’expédition visait à tester l’idée que les karsts tropicaux andino-amazoniens jouent le rôle d’une ‘machine’ à spéciation. La colonisation des réseaux souterrains par des espèces de poissons plus ou moins adaptés à la vie cavernicole est l’un des rouages de cette ‘machine’.

Les explorations réalisées dans plusieurs grottes de l’Alto-Mayo ont permis de découvrir une densité de colonisation des systèmes souterrains rarement décrit dans la littérature scientifique. Des populations de poissons ont été observées dans la plupart des systèmes karstiques indépendants visités. Nous avons pu identifier 5 populations indépendantes du genre Trichomycterus adaptées à la vie cavernicoles (absence et/ou réduction de la pigmentation et du système oculaire). Dans certaines cavités nous avons pu observer des assemblages composés a priori d’au moins deux espèces différentes et d’individus présentant différents degrés d’adaptation à la vie souterraine (photo 1). Des spécimens de plusieurs populations ont été extraits à des fins muséologique, taxonomique, écologique et génétique. Ces premiers résultats laissent entrevoir une situation exceptionnelle pour l’étude de l’évolution et de l’adaptation des espèces au monde cavernicoles.

Nous souhaitons donc poursuivre les échantillonnages et dans la mesure du possible proposer un sujet de doctorat à Max Hidalgo (professeur de l’Université San Marcos mais possédant actuellement un Master) sur les adaptations et l’évolution de ces poissons placés en situation extrême. En particulier nous souhaiterions lui permettre de comparer les différentes populations de Trichomycterus de l’Alto Mayo (très proches géographiquement) à une autre population de Trichomycterus cavernicoles de Bolivie (T. chaberti, Pouilly et Miranda 2003).

Les aspects taxonomique, écologique et génétique sont maitrisés par les équipes péruviennes en collaboration avec l’IRD. Une réflexion est en cours avec Sébastien Baratte (équipe 2) pour élaborer une nouvelle collaboration afin de mesurer des vitesses de divergence/évolution de ces populations et de comprendre les mécanismes génétiques sous-jacents.

Les résultats permettront de mieux connaitre la biodiversité et l’endémisme des rivières Andines, offrant des éléments pour une gestion en faveur de leur préservation et leur valorisation. Par ailleurs, les cavités constituent souvent des habitats refuge lors des périodes de grands changements environnementaux. L’étude de cette biodiversité particulière pourra faire émerger des connaissances sur les liens entre l’évolution des espèces et l’évolution des conditions climatiques dans la zone Andine.

Pour 2018, nous envisageons :

La présentation des premiers résultats lors du 2ème symposium du karst organisé par l’IRD à Chachapoyas (université régionale du Pérou) les 27 et 28 août (Max Hidalgo et Marc Pouilly).
La participation de Max Hidalgo et Marc Pouilly à une seconde expédition pour finaliser de manière plus systématiques les échantillonnages.
De vérifier la faisabilité et mettre en place les premières structures d’un laboratoire souterrain pour le maintien dans leurs conditions de vie naturelle de population de poissons épigées et cavernicoles. Ce laboratoire, développé en partenariat avec les autorités locales, sera utilisé à des fins expérimentales sur la croissance et l’écologie des poissons.

Mots Clés : Adaptation, Ecologie, Génétique, Poissons cavernicoles, Andes

Partenaires

Partenaire du Sud :

Max HIDALGO, Museo de Historia Natural de Lima (Université de San Marcos), Pérou