Contraintes environnementales et pressions anthropiques sur la composition et la distribution spatiale des communautés profondes de macro-invertébrés épibenthiques de l’océan Austral, à Kerguelen et en Terre Adélie
Les communautés benthiques de macro-invertébrés de l’océan Austral présentent une variabilité importante au plan de leur composition spécifique et de leur distribution spatiale. Cette variabilité est la résultante des dynamiques écologiques complexes liées à la très forte diversité des traits biologiques des espèces constituant le macro-épibenthos. A l’échelle spécifique, les organismes s’adaptent aux contraintes de leur environnement en fonction de traits biologiques tels que la motilité, le régime alimentaire, le mode de reproduction ou l’adaptation physiologique aux conditions physiques du milieu. A l’échelle des communautés, l’adaptation des assemblages benthiques aux contraintes exercées par l’environnement résulte de la somme des adaptations de chaque espèce. Dans l'océan Austral, ces contraintes comprennent notamment les changements saisonniers, la disponibilité des ressources alimentaires et l'espace disponible. Les dynamiques complexes d’adaptation des communautés benthiques australes peuvent être classées selon trois groupes principaux :
- les processus déterministes conduisant à des successions écologiques depuis les stades pionniers jusqu’aux stades climaciques ; dans les écosystèmes benthiques soumis à ce type de dynamiques, les paramètres physiques et océanographiques, et leur stabilité, possèdent le plus fort pouvoir explicatif du niveau de développement atteint par les communautés ;
- les processus stochastiques conduisant au maintien d'espèces pionnières et/ou à la diversification des scénarios dans les successions écologiques ; dans les écosystèmes benthiques soumis à ce types de processus, ce sont les perturbations (« disturbance ») qui expliquent le mieux la structuration des communautés ;
- les relations interspécifiques telles que la prédation, la compétition ou la bio-ingénierie facilitant l'installation d'autres espèces, qui ont une influence déterminante sur la composition, la dominance/rareté et les abondances relatives des groupes taxonomiques composant les communautés.
A ces facteurs environnementaux s’ajoute dans la Zone Economique Exclusive (ZEE) de Kerguelen l’impact direct des activités de pêche industrielle reposant sur le déploiement de palangres de fond, susceptibles de transformer les assemblages benthiques.
Les conditions environnementales extrêmes et l’éloignement de l’océan Austral limitent drastiquement l’accessibilité des écosystèmes benthiques profonds pour les observations scientifiques. Il en résulte une connaissance parcellaire de la structuration des communautés benthiques, souvent bornée aux zones côtières et littorales peu profondes. Ces lacunes concernent notamment la ZEE de Kerguelen et la Terre Adélie, dont les communautés profondes de macro-invertébrés épibenthiques demeuraient à ce jour en grande partie inconnues.
Le travail de recherche mené pour cette thèse a permis d’établir les premières descriptions globales des communautés profondes de macro-invertébrés épibenthiques de ces deux zones, de caractériser leur patrons de distribution et d’approfondir notre compréhension de l’impact des contraintes environnementales et des pressions anthropiques sur la composition faunistique et la structuration spatiale de ces communautés. Nos résultats sont notamment confrontés aux différentes théories et concepts développés en écologie benthique. Au plan applicatif, les résultats sont également analysés à l’aune des enjeux de conservation, dans le but de répondre à une série de questions : la pêche palangrière industrielle a t-elle un impact structurant sur les communautés benthiques de Kerguelen, quelle est la sensibilité des communautés de Terre Adélie au changement global, les dispositifs de conservation actuellement en vigueur sont-ils suffisants pour protéger efficacement les communautés de macro-invertébrés ?