Sujet de stage de Master 2 - Station marine de Dinard
TEMPOR’EEL : Évolution de la phénologie de migration des anguilles argentées Anguilla anguilla (Linnaeus, 1758) en Loire fluviale au cours des 150 dernières années.
Laboratoires d’accueil et lieux de stage : Centre de recherche et d’enseignement sur les systèmes côtiers (CRESCO, MNHN), station marine de Dinard, 38 rue du Port-Blanc, 35 800 DINARD.
L’anguille européenne est une espèce catadrome dont la plasticité des histoires de vie explique en partie sa large répartition du Nord de l’Afrique au Nord-Est de l’Europe. Les larves leptocéphales apparaissent dans la zone de convergence Nord Atlantique et s’orientent vers les côtes européennes par les courants marins pour coloniser les habitats de croissance continentaux sous les formes successives de civelles et d’anguilles jaunes. Après une période de croissance très variable, les anguilles jaunes s’argentent au moment de quitter les systèmes continentaux (échappement ou migration de dévalaison) afin de réaliser une migration océanique de près de 7000 km vers la zone de reproduction (Righton et al., 2016).
Depuis les années 1980, le recrutement en civelle a diminué pour atteindre aujourd’hui entre 1 et 10 % du niveau historique. Ce déclin a motivé l’inscription en 2008 de l’anguille dans la liste rouge des espèces menacées d’extinction. Les causes de ce déclin sont multi-échelles et touchent l’ensemble du cycle de vie de l’espèce. Les pressions directes dans les systèmes continentaux sont bien identifiées, même s’il est encore impossible à l’heure actuelle de les hiérarchiser. Parmi elles, il est généralement cité la fragmentation et la destruction des habitats, l’introduction de maladies et de parasites, la pollution de l’eau ou les prélèvements par pêcheries.
À une échelle plus globale, les pressions associées au changement climatique restent encore mal connues chez l’anguille. Les modifications climatiques pourraient notamment affecter les stimuli environnementaux induisant certaines étapes clés du cycle de vie de l’anguille, comme la migration de reproduction des anguilles argentées vers le milieu océanique (hypothèse de travail). En effet, le comportement de dévalaison semble majoritairement déclenché par des variations hydrologiques, par la diminution des températures ou encore les phases lunaires (Bruijs and Durif, 2008 ; Feunteun et al., 2000 ; Haro, 2012 ; Trancart et al., 2018a, 2018b, 2013 ; Vøllestad et al., 1994, 1986). Par ailleurs, les anguilles cessent de se nourrir au stade argenté, et il est supposé que des retards de migration entament les réserves énergétiques nécessaire à la migration océanique et la reproduction. Un timing différé peut également limiter la probabilité des individus à trouver des congénères sur la zone de ponte et réduire ainsi leur succès reproducteur.
La commission européenne a établi en 2007 une liste de recommandations visant à réduire l’impact des activités humaines sur l’anguille. En 2010, la France décline ce règlement en divisant le territoire en neuf unités de gestion, dont l’unité Loire, côtiers vendéens et Sèvre niortaise. Le bassin versant de la Loire est un site d’intérêt dans l’application de ce plan, de par sa taille (110 000 km²) et sa position géographique privilégiée par rapport à l’arrivée de juvéniles sur les côtes (courant des Açores / Gulf Stream). En Loire fluviale, il existe une pêcherie au guideau unique en Europe, ciblant spécifiquement l’anguille argentée. Le suivi de cette pêcherie entre 1987 et aujourd’hui a permis d’estimer l’échappement fluvial en anguilles argentées (Acou et al., 2015 ; Boisneau, 2019) et de proposer un modèle de dévalaison (Acou et al., 2009). Comme dans la plupart des bassins européens, la population d’anguilles décline sur la Loire et les impacts des changements globaux sur la phénologie de migration des anguilles nécessitent d’être étudiés.
L’objectif de cette étude est de déterminer s’il existe ou non des modifications phénologiques de la migration de dévalaison des anguilles argentées (nombre d’évènements, durée et période de migration). Dans un premier temps, l’étudiant analysera la série chronologique des débits de la Loire disponible à Montjean-sur-Loire entre les années 1863 et 2019 afin de caractériser les dérives temporelles des conditions hydrologiques favorables à la migration de dévalaison. Dans un second temps, il ajustera un modèle prédictif permettant d’estimer les abondances d’anguilles argentées en fonction des conditions hydrologiques, à partir des données issues des pêcheurs professionnels pour la période 1987-2019. Dans un troisième temps, le modèle sera appliqué à une série chronologique à long-terme afin de quantifier les pics de migration entre 1863 et aujourd’hui. Cette analyse permettra de répondre à des questions cruciales pour la gestion de la ressource dans un contexte de changement climatique : les anguilles migrent-elles plus précocement ou tardivement (dérive phénologique) dans un contexte de changement global ? Quelle est l’évolution à long-terme du nombre et de l’amplitude des pics annuels de migration ?
Les analyses seront exclusivement réalisées avec le logiciel libre R (interface RStudio). Les résultats de ce stage seront par la suite associés à d’autres travaux de l’équipe de recherche afin d’être intégré dans une publication scientifique dans une revue internationale.
Les candidats devront avoir les compétences suivantes : de bonnes bases en écologie fondamentale et des compétences indispensables en analyse de séries chronologiques et en modélisation (logiciel R).
Co-encadrants stage : Trancart Thomas (Dr., MNHN, UMR 7208 BOREA, Station marine de Dinard), Bourillon Bastien (doctorant, MNHN, UMR 7208 BOREA, Station marine de Dinard), Acou Anthony (Dr., UMS 2006 PatriNat, Station marine de Dinard), Feunteun Éric (Pr., MNHN, UMR 7208 BOREA, Station marine de Dinard)
Autres chercheurs impliqués : Nils Teichert (Dr., Station marine de Dinard) et Catherine Boisneau (Dr., Université de Tours, CITERES)
Procédure de recrutement :
Le dossier de candidature est à envoyer par courriel avant le 3 Novembre 2019 à 23h59 à thomas.trancart@mnhn.fr ; bastien.bourillon@mnhn.fr ; anthony.acou@mnhn.fr et eric.feunteun@mnhn.fr.
Indiquer comme objet du courriel : TEMPOREEL_Prénom_Nom.
Le dossier comprendra :
– un curriculum vitae détaillé (« TEMPOREEL_Prénom_Nom_CV »),
– une lettre de motivation (« TEMPOREEL_Prénom_Nom_LM »).
Nous auditionnerons ensuite les dossiers retenus entre le 4 et le 8 Novembre 2019 (en présentiel, par téléphone ou par visioconférence).
